Abû Muhammad Ibn Abî Zayd Al Qayrawânî - أبو محمد ابن أبي زيد القيرواني (m.386)

Publié le par Muhammad Yahya Riahi

Grande Mosquée de Kairouan

Grande Mosquée de Kairouan

Il s'agit de l'autorité suprême des mâlikites et des ash'arites de l'Ifrîqiyyah et d'Occident de son temps, le phare de la science, l'érudit, l'ascète, celui que l'on surnommait Mâlik Us Saghîr (le Petit Mâlik) : Sayyidunâ Abû Muhammad 'Abdu Llâh Ibn Abî Zayd Al Qayrawânî (qu'Allâh lui fasse miséricorde).

Al Qâdî 'Iyâd Al Yahsubî (qu'Allâh lui fasse miséricorde) a dit de lui :

Abû Muhammad 'Abdu Llâh Ibn Abî Zayd était originaire d'Ifrîqiyyah. Le prénom de Abû Zayd (le père de l'Imâm Ibn Abî Zayd) était 'Abd Ur Rahmân selon Ibn Makulah et Al Qâdî Ibn Al Hadhâ°. Il appartenait au clan de Nifzah et vivait à Kairouan (Qayrawân).

* Son statut dans la science :

Il était l'Imâm des mâlikites de son temps et leur modèle. Il avait une connaissance complète du madh-hab de Mâlik et a expliqué ses paroles. Il avait un profond savoir, une mémoire prodigieuse et une grande capacité de transmission. Ses livres suffisent à prouver tout cela. Son style d'écriture était fluide, clair et précisait bien ce qu'il disait. Il défendait le madh-hab de Mâlik et établissait des preuves claires légitimant son soutien [au madh-hab]. Il savait aussi comment réfuter les innovateurs. En plus de son excellent écriture, il étaut très juste, scrupuleux et chaste. C'est ainsi qu'il obtint l'Imamat aussi bien dans la religion que dans ce bas-monde. Ses compagnons étaient nobles et de nombreuses personnes apprirent auprès de lui. Il composa un résumé du madh-hab et s'engagea à le diffuser et le soutenir. Ses livres se diffusèrent de partout et étaient bien connus de la plupart des gens.

Ash Shayrâzî a dit de lui : « Il était connu sous le nom de petit Mâlik. Abu-l-Hasan Al Qabîsî le mentionna et affirma qu'il était un Imâm fiable aussi bien dans sa compréhension des choses que dans la transmission. Abu-l-Hasan 'Alî Ibn 'Abdi Llâh Al Qattân : Je n'ai jamais suivi aveuglément Abû Muhammad Ibn Abî Zayd jusqu'à voir As Sâbi'î en personne le suivre ! »

Abû Bakr Ibn At Tayyib [Al Bâqillânî] le mentionna dans son livre et loua ses vertus et mérites. Cela fut également le cas par d'autres savants de l'Orient. Ibn Mujâhid Al Baghdâdî et d'autres parmi ses confrères de Baghdad lui demandèrent des ijazât.

Et Abû 'Abdi Llâh Al Mayurqî a dit de lui : « Il était doué de savoir, de scrupule, d'excellence et d'une grande intelligence. Il est trop célèbre pour avoir besoin d'être mentionné particulièrement. »

Ad Dâwudî a dit aussi : « Il était rapide pour trouver la vérité. Il étudia le Fiqh auprès des Fuqahâ de son pays et apprit auprès de ses maîtres. Il se forma notamment auprès de Abû Bakr Ibn Lubbâd et Abul Fadl Al Mumsî. Il étudia aussi auprès de Muhammad Ibn Masrûr Al 'Assâl, 'Abdu Llâh Ibn Masrûr Ibn Al Hajjam, Al Qattân, Al Ibiyânî, Ziyâd Ibn Mûsâ, Sa'dun Al Kawlanî, Abu-l-'Arab, Abû Ahmad Ibn Abî Sa'îd, Habîb le client de Ibn Abî Sulaymân, ainsi que d'autres. Il voyagea et accomplit son Pèlerinage et en profita pour étudier auprès de Ibn Al A'rabî, Ibrâhîm Ibn Muhammad Ibn Al Mundhîr, Abû 'Alî Ibn Abî Hilâl et Al Qâdî Ahmad Ibn Ibrâhîm Ibn Hammâd. Il étudia aussi auprès de Al Hasan Ibn Badr, Muhammad Ibn Al Fath, Al Hasan Ibn Nasr As Sûsî, Darras Ibn Ismâ'îl, 'Uthmân Ibn Sa'îd Al Gharâbûlî, Habîb Ibn Abî Habîb Al Jazarî et d'autres encore. Ibn Sha'bân, Al Aburrî et Al Marwazî lui demandèrent des ijazât. Beaucoup de gens l'écoutaient et nombreux furent ceux qui apprirent auprès de lui. Parmi ses disciples de Qayrawân figurent Abû Bakr Ibn 'Abd Ir Rahmân, Abu-l-Qâsim Al Baradâ°î, Al Lubaydî, Ibn Al Ajdâbî, Abû 'Abdi Llâh Al Khawwâs et Abû Muhammad Al Makkî Al Muqrî°.  »

Et parmi ses disciples originaires de Al Andalus se trouvent Abû Bakr Ibn Mawhab Al Maqburî, Abû 'Abdi Llâh Ibn Al Hadhâ° et Abû Marwân Al Qanâzi'î. Et parmi les gens de Ceuta (Sibtah) se trouvent Abû 'Abd Ir Rahmân Ibn 'Ajûz, Abû Muhammad Ibn Ghâlib et Khalaf Ibn Nasr. Notons que parmi les gens du Maghreb, Abû 'Alî Ibn Amdakah As Sijilmâsî était son disciple.

* Ses livres :

Il composa le Kitâb Un Nawâdir Wa-z-Ziyâdât 'Ala-l-Mudawwanah qui est célèbre et qui comporte plus d'une centaine de chapitres, ainsi que le fameux résumé de la Mudawwanah. En Occident, l'enseignement dans le domaine de la jurisprudence est basé sur ces deux ouvrages. 

Il écrivit également Al Iqtidâ°u Bi Ahl Is Sunnah [sur l'imitation des savants de Médine], Adh Dhabbu 'An Madh-habi Mâlik [où il défend le madh-hab mâlikî], la célèbre Risâlah, le Kitâb Ut Tanbîh à propos du statut des enfants d'apostats et sur la confiscation des biens des enfants de notables, le Kitâb Ut Tafsîr Il Awqât Is Salawât (sur l'explication des temps de la prière), le Kitâb Uth Thiqah Bi Llâh, At Tawakkul 'Ala Llâhi Subhânahu [sur le tawakkul, où la remise confiante en Allâh], le Kitâb Ul Ma'rifah Wa-l-Yaqîn [sur la gnose et la certitude en Allâh], le Kitâb Ul Madmûn Min Ar Rizq [sur comment bénéficier des faveurs Divines], le Kitâb Ul Manâsik, un traité sur ceux qui bougent pendant la récitation du Qur°ân et du dhikr, Rad Ul Masâ°il, Himâyatu 'Ard Il Mu°mîn [sur la protection de l'honneur du croyant], Kitâb Ul Bayân à propos de l'inimitabilité du Qur°ân, le Kitâb Ul Wasâwis, un traité parlant de certains points dans le domaine de la zakâh, un traité sur l'interdiction de la polémique, un traité réfutant les Qadariyyah et la letttre de Al Baghdâdî Al Mu'tazilî [1], le Kitâb Ul Istizhâr qui est une réfutation des conceptualistes (al fikriyyah), le Kitâb Ul Kashf It Tabyîn sur le même sujet, la Risâlat Ul Maw'izah Wa An Nasîhah (traité d'admonition et de conseil), un traité à l'égard de l'étudiant en science, un livre sur les mérites de la veillée nocturne en prière lors du Ramadân, un traité de mise en garde à propos des gens véridiques, une lettre adressée aux habitants de Sijilmâsah concernant la récitation du Qur°ân, et un traité sur les fondements du tawhîd. Tous ces ouvrages sont bénéfiques, extraordinaires et contiennent beaucoup de savoir.

Et il est rapporté qu'un jour, Abû Sa'îd, le neveu de Hishâm, vint en visite et trouva son groupe en plein cours. Abû Sa'îd lui dit : « J'ai entendu que tu as écrit des livres. » Il répondit : « Oui, qu'Allâh t'apaise. » Il dit : « J'entends-là un problème. » Abû Muhammad lui dit alors : « Fais moi en part, qu'Allâh t'apaise. Si ce que je dis est correct, tu me le diras, et si c'est faux, tu m'apprendras. » Abû Sa'îd resta silencieux et ne recommença plus jamais.

* Ce que l'on a également rapporté à son sujet :

Abû Muhammad figurait parmi les gens épris de justice, de scrupule et d'excellence. Il est rapporté qu'il s'est levé une nuit pour faire ses ablutions et versa de l'eau d'une cruche dans un récipient, mais le renversa. Puis il le remplissa à nouveau, mais il se renversa encore. Puis cela arriva encore une troisième fois et il se posa des questions sur cela, puis il dit : « Tu es bien récalcitrant à notre encontre ! » C'est alors qu'il entendit quelqu'un qu'il ne voyait pas dire : « L'enfant mouilla le lit tout prêt de cette cruche et ne souhaitions donc pas que vous fassiez les ablutions avec celle-ci. »

Quand il a écrit ses livres sur les conceptualistes et qu'il critiqua le livre de 'Abd Ur Rahmân As Siqilî dans Al Kashf et Al Istizhâr et réfuta beaucoup de choses que ce dernier avait transmis concernant des miracles mentionnés dans son livre, des faux soufis et un grand nombre de Ahl Ul Hadîth s'y opposèrent et prétendirent que [l'Imâm Ibn Abî Zayd] reniait les miracles, ce qu'il ne faisait pas en fait. [2] En effet, au début de son livre, il précise bien son objectif qui est seulement de réfuter un groupe précis de personnes se trouvant à l'est de Al Andalus. Plusieurs ouvrages célèbres ont été écrit sur cela, dont les livres de Abu-l-Hasan Ibn Jahdam Al Hamdânî, Abû Bakr Al Bâqillânî, Abû 'Abd Ir Rahmân Ibn Shaqq Al Layl, Abû 'Umar At Talamankî et d'autres. Le mieux guidé d'entre eux en la matière et qui eut la meilleure connaissance du sujet fut l'Imâm de son temps, Al Qâdî Abû Bakr Ibn At Tayyib Al Bâqillânî. Il transmit clairement sa pensée sur le sujet. [3]

Et Al Ajdâbî a dit : « J'étais assis auprès de Abû Muhammad tandis que Abu-l-Qâsim 'Abd Ur Rahmân Ibn 'Abd Il Mu°mîn le théologien dialectique (al mutakallim) était avec lui. Un homme vint alors les interroger à propos de Al Khidr afin de savoir s'il se pouvait qu'il était encore en vie malgré tout le temps qui s'était écoulé, s'il ne mourra que lorsque l'Heure viendra et si cela était réfuté par les propos de L'Exalté : « Et Nous n'avons attribué l'immortalité à nul homme avant toi » [Sourate 21 - Verset 34]. Tous les deux répondirent : « Cela est possible et Al Khidr peut vivre jusqu'à ce que le Cor ne sonne. L'immortalité revient à rester vivant aussi lontemps que l'au-delà existe, mais rester en vie jusqu'à ce que le Cor ne sonne, ce n'est pas être immortel. Ne vois-tu pas que iblîs (qu'Allâh le maudisse) n'est pas immortel mais qu'il fait cependant partie de ceux à qui un délai a été accordé jusqu'au jour de la résurrection ? ». »

Et il est rapporté que Abû Muhammad écrivit à Abû Bakr Al Aburrî :

تأبى قلوبٌ قلوبَ قوم ... وما لها عندها ذنوب
وتصطفي أنفس نفوساً ... وما لها عندها نصيب
ما ذاك إلا لمضمرات .... أضمرها الشاهد الرّقيب   

Les cœurs refusent les cœurs des autres lorsque ceux-ci n'ont rien à avoir avec eux,

Tandis que les égos ne choisissent que ceux qui n'ont rien à voir avec eux.

Ceci ne provient que des secrets connus du Vigilant Témoin de toute chose.

Et Abu-l-Qâsim Al Lubaydî a dit : « 'Îsâ Ibn Thâbit Al 'Âbid rencontra Shaykh Abû Muhammad, ils se lamentèrent ensemble et s'exhortaient également. Lorsqu'il souhaita partir, 'Îsâ lui dit : « Je veux que tu écrives mon nom sur le tapis qui se trouve sous tes pieds. Comme ça, lorsque tu le verras [inscrit], tu pourras faire une prière pour moi [car tu penseras à moi]. » Abû Muhammad se mit à pleurer et lui dit : « Allâh, qu'Il soit exalté, dit : « Vers Lui monte la bonne parole, et Il élève haut la bonne action » [Sourate 35 - Verset 10]. Permets-moi de prier pour toi, mais où se trouvent les bonnes actions a élever [que j'aurais faites pour mériter une telle considération] ? ». »

* Sa mort :

Abû Muhammad Ibn Abî Zayd mourut en 386 et fut loué par de nombreux d'écrivains de Qayrawân qui composèrent d'émouvantes élégies en son honneur.

Et il est rapporté que Abû Muhammad avait été vu affligé dans son assemblée. Il fut alors interrogé sur la raison de cela et il répondit : « J'ai rêvé que la porte de ma maison était tombée. » Al Kirmânî a dit que cela indiquait la mort du propriétaire de la maison. On lui demanda alors : « Est-ce que Al Kirmânî est considéré comme étant comme Mâlik dans son domaine [qu'est la science des rêves] ? » Il répondit : « Oui. Dans son domaine, il est comme Mâlik dans le fiqh. » Et il ne s'écoula que peu de temps avant qu'il ne meurt.

Qu'Allâh lui fasse miséricorde.

Notes :

[1] Au sein duquel il dira notamment : « Al Ash'arî est un homme célèbre pour réfuter les innovateurs dévoyés (ahl ul bid'ah) parmi les qadariyyah et les jahmiyyah, et il était fermement attaché à la Sunnah. »

[2] Al Imâm Abû Ja'far At Tahâwî a dit : « Nous ne préférons aucun Saint sur les Prophètes (que La Paix soit sur eux) et nous disons qu'un seul Prophète est meilleur que tous les Saints. Nous croyons fermement à ce qui nous est parvenu au sujet de leurs prodiges et dont le récit a été rapporté de manière authentique par les gens dignes de confiance. » [Bayân Ul I'tiqâd Ahl Is Sunnati Wa-l-Jama'ah]. Ainsi, renier les prodiges des saints est une bid'ah, hérésie dans laquelle trempent notamment les mu'tazilites, et de nos jours, les khawarij wahhabites. C'est pourquoi des savants reprochèrent à l'Imâm Ibn Abî Zayd d'avoir écrit ces livres de réfutation, pensant qu'il reniait lui aussi les prodiges des saints, alors qu'il n'en était rien en réalité, comme le précisa Al Qâdî 'Iyâd. Quant au fait que le dî 'Iyâd a dit que ceux qui le critiquèrent étaient des Ahl Ul Hadîth, sans les juger, mais qu'il traita de charlatans les prétendus soufis qui le critiquèrent, c'est qu'il considérait, lui qui était lui même un éminent soufi, que les authentiques soufis savaient très bien distinguer un véritable saint d'un charlatan, et que par conséquent, quiconque critiquait l'Imâm Ibn Abî Zayd et penchait du côté du groupe d'hérétiques de l'est de l'Andalousie ne pouvait qu'être un faux soufi.

[3] La pensée de l'Imâm Al Bâqillânî et des autres qui écrivirent sur certains livres rapportant plusieurs histoires sur des prodiges (al karâmât), c'est que les prodiges existent bel et bien et qu'il s'agit d'une hérésie que de réfuter cet état de fait. Ceci étant, il faut faire la distinction entre un prodige provenant d'un saint d'Allâh et un prodige provenant d'un acte de charlatanisme ou de satanisme. Si une personne pieuse accomplie des prodiges, il s'agit d'un saint d'Allâh, mais si une personne dévoyée ou mécréante en fait tout autant, alors il ne s'agit ni plus ni moins que d'un diable humain, et ces prodiges sont alors qualifiés de charlatanisme. L'Imâm Ibn Abî Zayd voulut préciser cela afin que l'on n'attribut pas la sainteté à des charlatans et que la réputation des authentiques soufis ne se voit pas entâchée à cause d'un amalgame avec ce groupe d'hérétiques de l'est de l'Andalousie qui aurait pu être évité dans le livre du Shaykh As Siqilî.

 

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